Page 44 - Revue Energie & Stratégie N° 60

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VOIR L’ACCORD DE PARIS EN BLEU
À LA COP 27
La mobilisation se renforce pour un résultat politique
fort concernant les océans lors de la COP 27. Un L’OCÉAN : UN RÉGULATEUR DU CLIMAT
appel pour notamment une plus grande ambition
pour réduire les émissions de gaz à effet de Car cette masse d’eau qui représente près de 71 % de la
serre, des mesures renforcées pour construire la surface de la planète en est le thermostat, le régulateur du
résilience des communautés côtières aux impacts climat. La circulation océanique globale et l’inertie thermique
des changements climatiques et le financement (l’océan se réchauffe et se refroidit très lentement) régulent
nécessaire pour cela. la température de la planète: les échanges et transferts de
chaleur avec l’atmosphère permettent, par exemple, d’avoir un
Les océans couvrent environ 70 % de la surface de la climat tempéré en Europe, grâce à la chaleur récupérée aux
planète, et les habitants des régions côtières, touchés tropiques et portée par le courant marin à travers l’Atlantique.
de manière disproportionnée, continuent d’être en
première ligne de la lutte contre les changements Le réchauffement climatique engendré par l’augmentation
climatiques. En même temps, les océans ont un rapide des gaz à effet de serre vient perturber cet équilibre. Les
vaste potentiel de stockage du carbone, et les eaux courants marins sont modifiés par l’arrivée massive d’eau douce
côtières sont, par exemple, un lieu privilégié pour les et froide due à la fonte des glaces. Les espèces de la faune
projets d’énergie renouvelable et la protection et la marine ne sont pas acclimatées : la composition planctonique
restauration des écosystèmes. à la base de la chaîne alimentaire est transformée, les poissons
fuient leurs habitats. La température plus élevée abaisse le
L’un des principaux résultats du dialogue sur les coefficient de solubilité de l’oxygène dans la mer : avec une eau
océans et les changements climatiques qui s’est à la teneur en oxygène réduite, certaines zones atteignent un
tenu en juin dernier est la publication d’un nouveau niveau critique, hypoxique, engendrant la mort des poissons.
rapport qui souligne l’importance vitale des océans
pour les moyens de subsistance et la biodiversité, L’impact sur les populations côtières est d’autant plus
ainsi que leur rôle fondamental dans le système important que leur économie repose sur la pêche et
climatique, et qui met en évidence la nécessité d’une l’aquaculture. Et l’augmentation du CO2 atmosphérique
action climatique accrue en faveur des océans lors aboutit à une acidification des eaux, qui “pompent” ce gaz et
de la COP 27. le stockent dans les profondeurs. Cette acidification entrave
la calcification et a un premier impact délétère sur tous les
Le rapport insiste sur la nécessité pour les organismes ayant une carapace, une cuticule ou une coquille
gouvernements de promouvoir des cadres politiques en carbonate de calcium.
clairs et à long terme pour réduire les émissions
de gaz à effet de serre, notamment par le biais des 30 % DE PROTECTION EN 2030
énergies renouvelables en mer et de la réduction des
émissions dues au transport maritime. Une vaste étude scientifique publiée dans la revue Nature en
2021 (Protecting the global ocean for biodiversity, food and
Le rapport sur le dialogue sur les océans et les climate) fait le bilan des menaces qui pèsent sur les milieux
changements climatiques présente 10 messages océaniques et dresse une liste de solutions. Elle propose
clés que les gouvernements doivent prendre notamment une cartographie des zones à protéger rapidement
en considération avant la COP 27. Ces messages pour les laisser se régénérer et assurer leur rôle.
définissent les possibilités d’une plus grande David Mouillot, coauteur de cette publication et chercheur
ambition et d’une plus grande action en faveur du dans l’unité Marbec (Marine biodiversity exploitation and
climat océanique au niveau national et international.
Ces messages clés sont les suivants : conservation) de l’université de Montpellier, explique : “L’objectif,
pour de vrais résultats, est d’atteindre 30 % de terre et mer
1. Nous devons protéger notre océan ET valoriser son protégés en 2030. La régénération des ressources alimentaires
potentiel en tant que lieu de solutions et d’actions serait assez rapide avec des aires protégées bien placées. On
climatiques durables. estime qu’une protection de 30 % de l’océan permettrait une
régénération de 60 % en 30 ans. Ces zones préserveraient
2. Les mesures basées sur l’océan offrent les fonds marins : la présence de carcasses et des fèces de
d’importantes possibilités d’atténuation (réduction poissons sont un puits de carbone, or le chalutage rejette des
des émissions de gaz à effet de serre) et d’adaptation centaines de millions de tonnes de CO2 en les remettant en
(renforcement de la résilience au changement suspension.”
climatique).
Côté biodiversité, le chercheur indique que “21 % de zones
3. L’océan offre un espace pour des solutions protégées judicieusement choisies seraient un gain de 90 %
intégrées qui peuvent être reflétées dans les pour la conservation de la biodiversité. L’Antarctique est une
politiques et stratégies climatiques nationales. priorité.”
4. Les technologies marines et les solutions fondées David Mouillot estime que “d’ici à 2030, c’est encore faisable.
sur la nature marine et côtière devraient être L’océan a une formidable capacité de résilience. Il suffit
intégrées afin de garantir une action plus solide, plus d’arrêter de tuer la vie marine et de lui laisser du temps. Les
complète et plus rentable que lorsqu’on utilise l’une bénéfices seront économiques, environnementaux, humains.”
ou l’autre solution seule.
5. Nous devons utiliser, améliorer et intégrer les
dernières données océanographiques et autres
systèmes de connaissances disponibles.
ENERGIE & STRA TÉGIE | 4 ÈME TRIMESTRE 2022 ENERGIE & STRA TÉGIE | 4 ÈME TRIMESTRE 2022