Le Maroc dispose de tous les atouts pour développer sa production de l’hydrogène vert.
Les potentialités du Royaume ont été énumérées lors d’un webinaire organisé, récemment, par l’Association internationale de l’énergie éolienne (WWEA) et auquel a pris part Badr Ikken, directeur général de l’IRESEN.
La présentation faite, à ce propos, est venue confirmer les ambitions du Maroc de renforcer son mix énergétique et par conséquent à décarboner son économie à horizon 2050. «Le Maroc a toutes les potentialités qu’il faut pour réussir ce pari. Son écosystème dispose d’une expertise reconnue et jouit d’une grande crédibilité au niveau des bailleurs de fonds et partenaires internationaux», relève-t-on de M. Ikken dans une déclaration accordée à ALM (voir entretien). Et de préciser que «l’éolien jouera un rôle beaucoup plus important que le solaire comme source d’énergie propre compte tenu des facteurs de charge qui peuvent atteindre jusqu’à 70%».
En effet, le potentiel renouvelable du Royaume le positionne dans la cour des grands. Une étude élaborée en 2018 place le Maroc parmi les 6 pays aptes à exporter l’hydrogène. Plusieurs facteurs entrent en jeu. Au-delà du mix énergétique, la pertinence de sa stratégie de transition énergétique et sa proximité avec l’Europe font du pays une destination appropriée pour développer cette industrie énergétique. Produire de l’hydrogène vert ouvrirait au Maroc de grandes perspectives, notamment à l’export. Un objectif qui pourrait être atteint dans 10 voire 15 ans du lancement effectif de cette production. Une autre étude confirme que le Royaume pourrait capter de 4 à 8% du marché global de l’hydrogène, ce qui représente un gisement allant de 150 à 400 milliards d’euros. La production d’ammoniac jouerait un rôle important dans cette ouverture à l’international. Combiné à l’azote, l’hydrogène permettra à long terme au Maroc d’économiser les 2 millions de tonnes d’ammoniac importées annuellement. Cette chaîne de valeur s’enrichirait davantage grâce au recyclage du carbone pour produire du méthanol synthétique, du kérosène synthétique ou encore du diesel synthétique, et autres.
A la veille du lancement de sa vision «hydrogène» le Maroc a signé avec la plus grande puissance économique en Europe en vue de développer ce secteur. La convention conclue avec l’Allemagne, en juin dernier à Berlin, témoigne de la confiance dont jouit le Maroc à l’échelle internationale. L’accord tend à mettre en place des projets de recherches et d’investissements. En principe une première plateforme de recherche découlant de ce partenariat devait voir le jour vers la fin de l’année. Compte tenu du contexte sanitaire actuel, ce lancement sera reporté pour début 2021.
En gros, le Maroc met les bouchées doubles pour entamer ce cap sur de bonnes bases. Le ministère de tutelle et les partenaires ont ainsi posé les jalons pour réussir ce nouveau challenge. Ceci se matérialise par la mise en place de la Commission nationale de l’hydrogène en 2019 ainsi qu’un ensemble d’actions de recherches et de développement. On relève dans ce sens quatre niveaux d’intervention. Le premier consiste à impliquer le talent universitaire dans ce process. IRESEN et l’Université polytechnique Mohammed VI travaillent de concert pour développer la recherche de base sur ce sujet. Parmi les actions engagées, on relève aussi la création de la plateforme nationale de recherche et développement, en l’occurrence le centre «Green H2A». Ce projet se veut une plateforme de test comprenant des pilotes de petites puissances (1 à 5 mwh) d’électrolyses, d’ammoniac vert, du méthanol vert et de combustibles synthétiques. L’Agence marocaine d’énergie durable (MASEN) pilote pour sa part un projet de référence portant sur l’hybridation. La dernière action porte sur l’intégration régionale. Rappelons que le développement de la production de l’hydrogène vert couvrira plusieurs besoins, notamment l’hybridation des énergies renouvelables, le développement de l’industrie de transformation du carbone et le développement de la mobilité à l’hydrogène.
ALM : Tout d’abord comment peut-on définir l’hydrogène et quel est son rapport avec le Power to x ?
Badr Ikken : Le Power to X réfère à l’usage de l’énergie «power» qui est pour nous de l’énergie propre pour produire un élément qui va pouvoir être valorisé. Au cœur de cette approche il y a l’hydrogène. C’est une matière première, vecteur de l’énergie, que l’on peut bien stocker. On reconnaît l’hydrogène dans l’eau. Dans sa formule H2O on retrouve à la fois l’hydrogène et l’oxygène. La technique pour extraire l’hydrogène c’est l’électrolyse, notamment à travers les électrolyseurs. C’est une technologie qui date d’environ 100 ans, donc ce n’est pas quelque chose de nouveau. Avec les électrolyseurs on va pouvoir séparer les deux éléments pour avoir au final de l’hydrogène que l’on pourra utiliser comme combustible et de l’oxygène qui sera employé dans d’autres applications.
Qu’est-ce qui fait qu’aujourd’hui le Maroc se tourne vers l’hydrogène ?
Nous avons toujours pu produire de l’hydrogène et dérivés à base de l’énergie fossile. C’est de l’hydrogène gris et par conséquent polluant. Aujourd’hui on a atteint la parité. Avec le développement massif des énergies renouvelables, du photovoltaïque et de l’éolien, on a un prix de l’électricité qui devient bas et ainsi le coût de l’hydrogène vert devient compétitif. C’est là toute la différence. L’hydrogène devient, ainsi, un élément important. On a toujours dit que les énergies renouvelables étaient intermittentes. A titre d’illustration, quand le temps est nuageux on ne peut produire de l’énergie solaire. Il en est de même pour l’éolien lorsqu’il n’y a pas de vent. D’autant plus qu’on avait du mal à stocker les énergies. Et là d’un coup, on peut non seulement les utiliser mais également produire ce combustible que l’on peut stocker. Cela devient une sorte d’énergie concurrente à l’énergie fossile, à savoir le gaz et le pétrole.
Techniquement, comment peut-on produire de l’hydrogène et à quel coût ?
Ce genre de grands projets se fera à partir du dessalement de l’eau de mer, notamment le dessalement solaire. Ce sont, de facto, des projets qui doivent être implantés sur la côte. On note, dans ce sens, deux impacts positifs, a savoir le coût de dessalement qui reste très marginal (1%) et l’environnement du fait que l’eau sera réinjectée dans son environnement naturel. Si l’on prend à titre d’exemple le volet mobilité, les voitures à hydrogène sont dotées d’une pile à combustible, qui grâce à un procédé électrochimique, produira de l’électricité. Ainsi, on aura comme résidu de la vapeur d’eau, ce qui nous permettra vraiment d’avoir une véritable économie circulaire. L’exemple de la mobilité à l’hydrogène peut ne pas être le premier sujet au Maroc mais en fait partie. Ce recours à l’hydrogène permettra de décarboner plusieurs secteurs industriels.
Article paru dans la revue “aujourd’hui le Maroc”, édition du 27 août 2020
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