Le changement climatique en Méditerranée : 2020-2030, une décennie décisive
L’heure est grave pour la Méditerranée. La nouvelle décennie 2020-2030, qui commencera dans quelques jours, « risque d’être la dernière au cours de laquelle des mesures préventives d’atténuation et d’adaptation pourraient avoir une signification et un impact positif » sur la région, selon les participants à la réunion des parlementaires et des parties prenantes de la Méditerranée.
La rencontre, qui a réuni le 17 décembre, à Rabat, les parlementaires de 6 pays et les représentants de la société civile de plus de 20 pays des deux rives de la Méditerranée, avait pour objectif de donner une impulsion à la réalisation des objectifs de développement durable dans la région. Toutefois, la réalisation de ces objectifs, risque d’être compromise compte tenu de la complexification de la situation dans la région.
Les organisateurs de la réunion, dont le Cercle des parlementaires méditerranéens (COMPSUD) et le Parlement marocain, ont dressé un tableau alarmant des menaces qui planent sur la Méditerranée.
Ainsi, « Mare nostrum » risque « la crise écologique et climatique la plus grave de sa longue histoire avec des sécheresses, des inondations, des chutes de neige et une couverture de glace plus fréquentes et plus graves sur les montagnes ». Elle risque également, la multiplication « des incendies de forêts, divers types d’érosions, l’intrusion de l’eau de mer, la perte rapide de biodiversité et l’invasion d’espèces exotiques », lesquelles devraient avoir des « impacts négatifs sur la sécurité humaine, les monuments historiques et les œuvres d’art. «Tous les pays de la Méditerranée qui ont adhéré à la convention de Ramsar sur les zones humides et à l’accord de Paris, sur le réchauffement climatique sont appelés à respecter leurs engagements », a affirmé Michael Scoullos, secrétaire général de COMPSUD, lors de la rencontre. A cet égard, si les parlementaires de la région ne sont pas conscients de leurs devoirs et de leur rôle historique dans ce domaine, la mise en œuvre de ces accords prendra davantage de temps.
Il a appelé les pays de la région à adopter la convention d’Aarhus (Danemark en 1998) relative à l’accès à l’information et à la justice en matière d’environnement et à la participation du public au processus de décisions et tous les protocoles de la Convention de Barcelone pour la protection du milieu marin et du littoral de la Méditerranée. Le réseau des parlementaires méditerranéens est appelé à faire des plaidoyers pour que les pays et bailleurs de fonds respectent leurs engagements vis-à-vis des pays victimes des changements climatiques, a estimé de son côté, le président la Chambre des Représentants, M. Habib El Malki.
M. Malki a également recommandé de placer les secteurs de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche au centre des politiques nationales de développement, de manière à ce que l’agriculture soit une précieuse source de revenus et d’emplois garantissant la dignité. Il s’agit également, de faciliter l’appropriation de la technologie, a-t-il ajouté, notant que les pays industriels sont appelés à faire preuve de générosité en la matière et à ne pas limiter la question « aux droits des inventeurs et des industriels ».
Le représentant de la Ligue arabe M. Jamel Jaballah a évoqué la déception des peuples de la région qui se trouvent au centre des conflits entre les puissances de ce monde, notamment les États-Unis, la Russie et la Chine, soulignant le désengagement réel des pays développés en ce qui concerne la lutte contre les changements climatiques.
Pour lui, les États-Unis d’Amérique ont réussi à détruire l’accord de Paris (COP22) en faisant preuve d’une haute technicité et professionnalisme dans les négociations, a-t-il dit, ajoutant, qu’après les 100 milliards de dollars par an promis à Paris, seuls 13 milliards de dollars ont été déboursés. Les négociations seront plus dures lors de la prochaine réunion de Bonn (Allemagne, et de la prochaine COP à Glasgaw (en Ecosse), selon ses propos.
Des représentants de Jordanie et de Palestine ont évoqué l’impact des conflits dans la région sur la situation environnementale et les ressources en eaux dans leurs pays respectifs avec notamment, la spoliation par Israël des ressources en eau dans les territoires palestiniens occupés, notamment le fleuve du Jourdain, dont le volume a été réduit de plus de la moitié et la séchresse qui frappe la mer morte. Ils ont appelé à la réalisation d’une étude sur la situation de cette mer. La Jordanie a, en outre, accueilli ces dernières années plus de 2 millions de réfugiés, ce qui a mis davantage de pression sur ses ressources en eau, l’alimentation, l’agriculture et plusieurs autres secteurs, a fait remarquer le député jordanien M. Mohammed Abu Settah appelant à une coopération plus étroite entre les pays de la région, en ce qui concerne la situation des réfugiés.
Outre les conflits majeurs, la région « connait des défis multiformes comme, la récession économique, l’instabilité politique et la croissance rapide de la population dans certains pays méditerranéens, notamment ceux des côtes Est et Sud du Bassin Méditerranéen » notent plusieurs organisations régionales telles que le Partenariat mondial pour l’eau (Global water partnership) et la Fondation pour la nature Mava.
Cette situation, qu’augmente « les pressions sur les ressources naturelles s’est accompagnée d’une augmentation considérable des flux de réfugiés ainsi que de migrants économiques et environnementaux vers les pays méditerranéens ». La situation critique générale est encore aggravée par le changement climatique affectant la région, qui se réchauffe 20 % plus vite que la moyenne mondiale.
Afin de parer à cette situation, les parlements, les organisations de la société civile, le secteur privé dans la région doivent renforcer la bonne gouvernance et promouvoir une économie verte basée sur une prise de décisions scientifiques solides, en donnant la priorité aux planifications intégrées de gestion environnementale (terre, mer et air).
Il s’agit également, d’harmoniser les législations et les cadres réglementaires nationaux avec les conventions internationales et régionales, de traiter la perte de biodiversité et de la dégradation des terres, ainsi que du changement climatique de manière combinée et intégrée, en tant que priorité politique en ciblant les deux principaux secteurs économiques de la région l’agriculture et le tourisme.
Les méditerranéens sont invités aussi à promouvoir l’utilisation des plans et des cartes de sécheresse et de cartes de vulnérabilité ou de risques d’inondations comme outils efficaces de planification/gestion et de prise de décisions, ainsi qu’à introduire d’urgence une législation spécifique pour l’élimination progressive des plastiques à usage unique, parallèlement aux systèmes de retour/réutilisation/recyclage et de responsabilité élargie des producteurs (REP).